Chazay-Le vieux village
 
 

association CAVOK

 

© JIPEL 2008
chazay d'azergues

Texte tiré de "Chazay en Lyonnais"

de PAGANI

CHAZAY D'AZERGUES ORIGINE


L'origine de Chazay (de casetus ou casetum, petit castel) paraît très ancienne.
Des médailles romaines, trouvées sur son territoire, à l'effigie deGallien et Postumus, la situeraient vers le début du Ille siècle de notre ère.
On peut penser qu'après avoir été un poste gallo-romain, Chazay devint au ve siècle un poste burgonde lors de l'invasion de notre région par les Barbares.
Vers le milieu du IXe siècle, le roi de Bourgogne-Provence, Boson,beau-frère de Charles le Chauve, aurait donné à l'abbé d' Ainay Aurélien, de nombreuses terres, dont Chazay.
Très tôt, les abbés d' Ainay installèrent à Chazay une abbatiola (petit couvent) qui, d'abord desservie par quelques moines chargés des intérêts de l'abbaye, devait rapidement prendre de l'importance, et dont l'histoire allait pour très longtemps se confondre avec celle deChazay.

L 'INVASION SARRASINE

Chazay devait connaître l'invasion des Sarrasins vers 732; l'église et le couvent furent saccagés comme toutes les habitations.
La population épouvantée s'enfuit dans les collines et les bois, et se réfugia dans des cavernes.
Près du château de Pourières à Saint- Jean-des-Vignes et lieu-dit« la Ronze » à Morancé, des anfractuosités ont gardé le nom de « Sarrasinières » .
Après avoir été battus par Charles Martel, tous les Sarrasins ne devaient pas quitter la région. Certains s'installèrent et firent souche.
Morancé (de Mauriensis ou Moriensis, Maure) en a tiré son nom.
Les Sarrasins auraient également donné son nom à notre rivière ; « Azergues » viendrait de « oued zerga » ( eau bleue). Bien que cette version de l'origine du mot Azergues soit controversée, nous l'adoptons de préférence aux autres explications qui ne sont pas mieux fondées.


LA FORTIFICATION DE CHAZAY


Vers 930, l'abbé Raynal 1er qui gouvernait les moines d'Ainay devint Seigneur de Chazay. Il reconstruisit l'église Saint-Pierre, (actuel cellier), détruite par les Sarrasins.
Vers 934, Chazay, qui avait connu bien des vicissitudes, est envahi par les Hongrois descendant des Huns. Dès lors, la préoccupation majeure des abbés sera de fortifier la place pour résister à toute agression.
Chazay devint peu à peu une forteresse redoutable, refuge de tous les hobereaux des alentours dont les demeures n'offraient pas une sécurité suffisante en période d'invasion.
La place forte comprenait trois enceintes :
-au centre, le « castellum » était composé du château proprement dit, de l'église, du couvent et de la citadelle qui fut rasée au XVIle siècle sur ordre de Richelieu ;
-une seconde enceinte dénommée « Castrum », qui correspondait à peu près au bourg actuel, abritait les bourgeois et les vassaux des abbés, seigneurs des alentours (de Châtillon, de Viego,de la Chana, de Chiel...) ;
-enfin une troisième enceinte, dont les remparts donnaient directement sur la campagne et qui devait subir les premiers assauts en temps de guerre, abritait artisans, manants et vilains.
On a peine à imaginer le grouillement de la vie de ce village dont la population atteignit jusqu'à 3 000 âmes.
De ces fortifications, ne subsistent aujourd'hui que la porte du Castellum, place de la Poste, la porte du Baboin et la tour tronquée, place de ,l'Eglise qui appartenait à la seconde enceinte (castrum).

LA PUISSANCE DE CHAZAY


Au fil des années et grâce à de nombreuses donations en espèces et en terres, l'abbaye voit croître sa puissance.
En l'an 1100, le moine Gauceran devient le premier prieur de Chazay.
Vers 1220, Hugues Il, abbé, devient le premier baron de Chazay.
Dès lors les abbés exercent le droit de haute, moyenne et basse justice et de toute juridiction temporelle. Tous les Seigneurs en possession de fiefs sur la baronnie (Morancé, Treddo, Saint Jean des Vignes, Lozanne, Civrieux, Dommartin, Marcilly et une partie des Chères) sont obligés au serment de fidélité envers le seigneur Abbé.
En 1300, l'abbé Ancelin Rigaud, en conflit avec l'archevêque de Lyon Henri 1er de Villard, en appelle au roi Philippe le Bel. Le roi affranchit la baronnie de la tutelle de l'archevêque en ce qui concerne le temporel.
En 1301, sur la demande de l'Abbé, le Pape l'affranchit en ce qui concerne le spirituel.
Dès lors l'Abbé, puissant Seigneur, ne dépendra plus que du roi et du pape.


L'ORGANISATION DE LA DÉFENSE


Des guerres incessantes opposaient les Seigneurs entre eux, au sujet des limites de territoires. Les vassaux remettaient perpétuellement en cause l'autorité de leurs suzerains auxquels ils refusaient de payer les redevances.
A ces escarmouches, vinrent bientôt s'ajouter des conflits plus importants.
De 1152 à 1259 d'abord, puis de 1337 à 1475 (guerre de Cent ans), des conflits opposèrent les rois de France aux rois d'Angleterre. Pendant tout ce temps, un climat d'insécurité régna sur le pays. Aussi la défense du village était-elle un des soucis majeurs des abbés.
Les vassaux étaient tenus à la « Chevauchée », c'est-à-dire à monter à cheval pour la défense des droits de leur Suzerain. Ils étaient également soumis au devoir d'ost, qui les obligeait à suivre leur seigneur dans la guerre publique.
Quant aux bourgeois de Chazay, malgré leurs franchises et leurs privilèges, ils étaient obligés au guet et à la garde de la ville, des murailles et des tours. Toute la population était tenue à un droit de protection dont elle s'acquittait soit par des corvées, soit par des contributions annuelles en blé, en vin ou en argent. Ces contributions étaient dénommées « sauvement » ou encore « vingtain » ou « vaintin », car elles pouvaient s'élever jusqu'à un vingtième de la récolte.
La défense de la forteresse était confiée à un capitaine châtelain nommé par l'abbé baron.


LA BATAILLE DE BATAILLY


Les malheurs commencèrent avec la guerre de Cent ans.
Les revers subis par les troupes royales permirent aux Anglais de pénétrer jusqu'au centre de la France, tuant et pillant tout sur leur passage. La misère du peuple, les cadavres abandonnés après les combats, engendrèrent la peste.
L'abbaye eut fort à faire pour subvenir aux besoin des gens qui fuyaient l'épidémie et transitaient à Chazay.
Les paysans et le petit peuple, réduits à la famine, s'étaient soulevés, avaient formé une « jacquerie », pillant les demeures seigneuriales et les couvents, se livrant à tous les excès meurtriers possibles, jusqu'à ce que les seigneurs s'organisent et écrasent cette jacquerie avec autant de cruauté qu'en avaient mis les révoltés.
Bien que notre région ne connût pas cette révolte, elle en subit les conséquences et contre-coups.
Les rescapés de la répression s'étaient regroupés. Ils se joignirent aux bandes de mercenaires des armées anglaises et françaises laissées sans ressources par la paix signée entre l'Angleterre et la France, le 8 mai 1360 à Brétigny.
Ces bandes organisées envahirent la région sous le nom de Routiers, de Brétigny, puis de Tard-Venus.
En 1364, pour la Toussaint, les Tard-Venus, commandés par Seguin Badefol, s'emparèrent d'Anse.
Ils y resteront dix mois et ne repartiront qu'après paiement d'une rançon.
La forteresse de Chazay les gênait considérablement en leur fermant l'accès à la vallée de l'Azergues. Seguin de Badefol décida d'en finir. Il envoya une fortetroupe commandée par un de ses meilleurs capitaines. Le côté donnant sur la vallée étant inattaquable, ils décidèrent de forcer les défenses à l'ouest, côté des Varennes. Ils arrivèrent par Morancé, en suivant les chemins au pied de la colline de Saint Jean et établirent leur camp entre le Gros-Bois et les Perrières, au lieu-dit Brétigny.
Guillemet ou Guillaume d'Alix, le chacipol, était à la tête des troupes de l'Abbé. Avant que les Tard-Venus ne reçoivent des renforts, il les attaqua et les attira au bas de la colline. Il les mit en déroute, leur faisant subir de lourdes pertes. Le lieu de combat a conservé depuis
cette date le nom de « Batailly ».
Les rescapés regagnèrent Anse et affrontèrent la colère de Seguin de Badefol qui fit décapiter le capitaine vaincu.


LA BATAILLE DES CULATTES


Après le départ des Tard-Venus qui évacuèrent Anse le 13 septembre 1365, la paix ne revient pas réellement. Les troupes anglaises du Duc de Lancastre sillonnaient la région.
En 1379, le danger devint plus précis. Les Anglais avaient remporté quelques victoires en Auvergne. Ils traversèrent le Forez, puis le Lyonnais et arrivèrent dans la région. Chazay était un obstacle. Aussi décidèrent-ils d'attaquer sans tarder. Ils concentrèrent leurs troupes sur le plateau qui domine la plaine de Saint Antoine, au nord du bourg.
Mais le capitaine châtelain en place, J ehan du Mas, dit le Baboin, ne laissa pas à l'adversaire le temps de terminer les préparatifs d'a3saut.
Après une journée de durs combats, il le mit en déroute, s'emparant d'un riche butin et faisant de nombreux prisonniers.
Le lieu du combat s'appelle depuis cette date, « les Culattes », lieu où fut acculé l'ennemi.
Après le départ des Anglais, une paix relative s'installe, entrecoupée d'escarmouches. En 1392 le Baboin devenu capitaine royal par lettre patente du roi Charles VI quitte Chazay pour les Armées royales. Cette même année, le roi est frappé de démence; la guerre
civile éclate entre les Ducs d'Orléans et de Bourgogne.
Cette longue période de guerre a ruiné l'abbaye qui doit réparer les brèches des fortifications. Les Bourguignons mettent le siège devant Villefranche, mais fort heureusement sont repoussés vers la Bresse.
Cependant les luttes continuent entre les Seigneurs de la région.
En 1415, l'Abbé d'Ainay, Guillaume de la Grange, arbitre un différend, séparant l'Archevêque de Lyon et l'Abbé de Savigny.
Cette même année verra la défaite d'Azincourt : Le Duc de Bourbon, Sire de Beaujeu, Comte du Forez, fait prisonnier, ne pourra plus coordonner la défense de la région.
« LE VIEUX TEMPS NOUS FOURNIT L 'HISTOIRE


D'UN CHEVALIER NOMMÉ BABOIN.
CHAZAY CONSERVE SA MÉMOIRE, E
T LA VÉNÈRE AVEC GRAND SOIN »


C'est à cette époque qu'apparut le héros légendaire de Chazay.
En l'an de grâce 1367, au mois de septembre, pour le bandes vendanges, une fête populaire avait lieu à l'intérieur des murailles de la Cité.
Cette fête attirait à Chazay quantité de marchands forains, saltimbanques, charlatans, ménestrels et autres amuseurs publics, susceptibles de divertir bourgeois et manants.
Parmi tous ces acrobates, il en était un qui attirait particulièrement la foule par son agilité. Sous le nom de Théodore Sautefort, il allait de ville en ville, avec d'autres compagnons d'infortune, exécutant tours et sauts périlleux, revêtu d'une peau d'ours qui le faisait ressembler à un singe. Ceci explique son surnom de Baboin -surnom qui non
seulement lui restera toute sa vie, mais qui se perpétuera au cours des siècles.
La journée de fête terminée, chacun regagnait sa demeure, la tête pleine de tout ce qu'il avait vu, et l'estomac chargé de boissons et de mangeaille.
Les archers du guet surveillaient les rues, chassant les « tire-laine » et autres malfaiteurs qui auraient pu profiter de l'occasion pour exercer leur talent au préjudice des bourgeois.
Tout à coup, le tocsin sonna l'alerte au feu; la demeure des Sires de Châtillon brûlait.
Or, le Vicomte de Châtillon guerroyait dans les armées royales.
Sa femme et sa fille habitaient seules le château avec les serviteurs.
La population se rendit sur les lieux, mais devant l'intensité du feu, personne n'osait bouger .
Soudain, d'une fenêtre de la Tour, deux voix appelèrent au secours.
La châtelaine et sa fille étaient prisonnières du feu qui commençait à envahir la tour. Les deux femmes semblaient condamnées. Les hommes hébétés restaient immobiles et muets, pendant que les femmes priaient.
C'est alors que Sautefort repéra une échelle. Il la dressa aussitôt contre la tour et grimpa au secours des deux femmes. La châtelaine lui tendit sa fille qu'il redescendit à terre. Puis, après avoir arrosé sa peau d'ours de nombreux seaux d'eau, il remonta. L'incendie avai tpris de l'ampleur et menaçait directement notre héros. Celui-ci parvint pourtant à se saisir de la châtelaine. La descente était délicate. Le feu les atteignit à plusieurs reprises et la châtelaine, évanouie, ne facilitait pas la tâche du sauveteur. Ce dernier parvint à terre, épuisé. Assez sérieusement brûlé, il s'évanouit à son tour et fut transporté à l'hôpital
Saint-André pour y recevoir les soins que nécessitait son état.
La châtelaine se remit et, reconnaissante, suivit au jour le jour l'évolution du rétablissement de Sautefort. Ensuite, elle l'attacha à sonservice.
A son retour, le vicomte instruit des faits, fit du Baboin son écuyer.
A ce titre, il accompagna son maître dans de nouveaux combats contre les Anglais. Sa conduite sur le champ de bataille lui valut les insignes de chevalier .
De retour à Chazay, le vicomte lui accorda la main de sa fille Hermance. Sautefort prit alors le nom de Chevalier Jehan du Mas.
Plus tard, l'Abbé d'Ainay le nomma Capitaine châtelain. A ce titre, il était responsable de la défense de la forteresse; il exerçait aussi la moyenne et la basse justice. Se souvenant de sa jeunesse misérable, il se montra d'une grande bonté pour le petit peuple. Il fit don à l'hôpital (maladrerie ou maladière) des fonds nécessaires pour lui assurer un meilleur fonctionnement. Il dota les filles pauvres pour leur permettre de se marier, d'où le dicton
« Filles qui n'ont connu le Baboin, Oncques mari ne trouvent point »
Il battit les Anglais aux Culattes en 1379 puis, mis à la tête des troupes royales par le bailli de Mâcon, il combattit les ennemis du roi.
Il revint à Chazay âgé, et couvert de blessures.
Il y mourut vers 1435, après avoir créé plusieurs fondations pour secourir les malheureux. Il fut pleuré par tous les Chazéens qui lui élevèrent une statue en bois sur une des portes de la ville.
Vers 1839, cette statue, ruinée par les intempéries, menaçait de tomber. Elle fut enlevée et le Conseil Municipal de l'époque délégua deux de ses membres pour en acheter une autre à Lyon.
Ces deux notables, probablement peu versés en art, visitèrent plusieurs brocanteurs et trouvèrent aux Brotteaux une cible en fonte représentant un soldat romain qu'ils achetèrent pour quelques francs.
C'est ainsi qu'en grande pompe, fut installé sur la porte où il se trouve encore, le Centurion de César, pour figurer le plus noble, le plus glorieux, le plus populaire des citoyens que Chazay ait connu :

le Baboin Chevalier Jehan du Mas.



UN PEU D'HISTOIRE...


La reine Isabeau, alliée aux Bourguignons avait livré la France à la plus complète anarchie.
Les Bourguignons et Anglais revinrent en Beaujolais. En 1418, l'Abbé Jean de Barjac était à peine installé sur la terre de l'abbaye, qu'une troupe bourguignonne, forte de 800 cheveaux, commandée par le Sire de Rochebaron, gendre de Jean Sans Peur, mettait le siège devant Chazay, l'enlevait et l'occupait pendant 3 mois.
La seule ressource de l'Abbé sera d'emprunter une forte somme, pour racheter la ville.
La paix ne revint que vers 1427, troublée cependant de temps à autre par les bandes de pillards.
En 1430, une tentative de Jacquerie vit le jour, mais elle fut rapidement réprimée par le Bailli royal Humbert de Grolée.
En 1436, des troupes royales profitèrent du grand désordre régnant
dans le royaume et se mirent à piller et ravager la vallée de l'Azergues :
c'étaient les Ecorcheurs dont le chef était le Batard de Bourbon.
Lorsqu'il fut fait prisonnier, il fut lié et jeté, par ordre du roi, en un sac, dans l'Aube.


L'ABBÉ THÉODORE DU TERRAIL


En 1455, l'abbaye eut un nouveau maître, l'abbé Théodore du
Terrail. Il donna à l'abbaye et à Chazay un éclat particulier.
De 1479 à 1485, aux calamités naturelles (froid de l'hiver, inondations du printemps, invasions d'insectes) s'ajoutèrent les méfaits des pillards, et de la peste plus ou moins endémique alors.
Ce fut à cette époque que l'abbé du Terrail entreprit la reconstruction du château en accord avec l'archevêque de Lyon. La partie nord dont la façade ouest comporte des ouvertures en pierres dorées, était la demeure de l'archevêque; la partie sud, avec façade en pierres blanches, était la demeure abbatiale.
Dans ce château, l'opulent abbé donnait souvent des fêtes mondaines; il recevait les Seigneurs des alentours, oubliant un peu les règles de Saint Benoît et les intérêts de ses moines.
Il amorçait ainsi le déclin de l'Abbaye.

LE CHEVALlER BAYARD


S'il recevait les Seigneurs, l'Abbé recevait aussi sa fami11e. C'est ainsi que son neveu, Pierre du Terrail, Seigneur de Bayard, vint à Chazay, avant de devenir le célèbre chevalier connu de tous.
Au sujet de Bayard, les historiens racontent l'anecdote suivante :
En juillet 1496, Charles VIII vint à Lyon pour la première fois.
Bayard venait de laisser la cour de Savoie où il était page, pour entrer au service du Roi de France. Un tournoi étant organisé dans une prairie de la Guillotière, il inscrivit son nom au côté de ceux des plus illustres de la province pour y participer. Comme il n'avait ni armes, ni monture, ni argent pour s'équiper, il fit part de ses difficultés à son ami Bellabre, malicieux et plein d'idées.
Bellabre lui répondit: « -Mon compagnon, vous souciez-vous de cela ? N'avez-vous pas votre oncle, ce gros abbé d'Ainay ? Je fais voeu à Dieu que nous irons à lui, et s'il ne veut fournir deniers, nous prendrons crosses et mitres. »
Bayard n'osant aller lui-même chez son oncle, pria son ami de se charger de sa requête.
« Ne vous chaille (inquiétez) répond Bellabre, nous irons vous et moi demain matin parler à lui et j'espère que nous ferons bien notre cas. »
Dès le lendemain, les deux amis arrivent à l' Abbaye et se présentent à l'abbé. Celui-ci fit d'abord bon accueil à son neveu, mais, instruit des faits, il lui manifesta son contentement de le voir si jeune et si hardi pour aller lutter avec les premiers chevaliers de la province :
« -Il y n'a que trois jours vous étiez page, et avez à peine 20 ans. Allez chercher ailleurs qui vous prêtera argent. Les biens donnés par les fondateurs de cette abbaye ont esté pour servir Dieu et non pour être dépensés en jouxtes et en tournoy. »
Puis, cédant aux arguments avancés par Bellabre plus hardi que Bayard, l'Abbé délia sa bourse, donna deux cents écus pour acheter monture et harnachements. De plus, il remit une lettre pour Laurencin, son marchand de drap, l'autorisant à livrer au jeune homme tout le nécessaire pour s'habiller.
Heureux de ce qu'ils avaient obtenu, les deux amis quittèrent l'abbé après l'avoir remercié.
« Quant Dieu envoye de bonnes fortunes aux gens, dit Bellabre, il les faut bien sagement conduire; ce qu'on dérobe à moyne est pain bénist ! Nous avons une lettre à Laurencin pour prendre ce qu'il nous faudra, allons vite à son logis avant que votre oncle ait réfléchi à ce qu'il a fait. Il n'a pas limité, en sa dite lettre, jusqu'à combien d'argent
il vous doit tailler d'accoutrements. Par la foy de mon corps, vous serez accoutré pour le tournoy et pour d'ici un an; car aussi bien n'en aurez-vous jamais autre chose. »
« Par ma foy, répondit Bayard, mon compagnon, la chose va bien ainsi; hâtons-nous, car si mon oncle s'aperçoit de ce qu'il a faict, j'ai grand peur qu'il n'envoie incontinent declarer pour combien d'argent il entend qu'on me taille d'habillement. »
Ils se rendirent chez Laurencin qui, sur présentation de la lettre, donna toutes les étoffes désirées.
L'abbé cependant, réfléchissant à l'abus que son neveu pouvait faire de sa lettre, envoya aussitôt un valet à Laurencin pour fixer à 120 livres le montant des fournitures à livrer à son neveu. Hélas, c'était trop tard, Bayard s'en était fait donner pour 800 !
L'abbé, furieux, menaça son neveu de ne jamais le revoir de sa vie.
Quelques jours plus tard, le jeune chevalier déploya tant d'ardeur et d'adresse, qu'il fut vainqueur de tous ses rivaux, émerveillant les dames de Lyon par sa jeunesse et son habileté.
« Vey-vo ces ton malotru, il a mieux fait que tous les autres », disaient-elles en souriant.
L'abbé était malgré tout très fier de son neveu, et il lui pardonna le tour qu'il lui avait joué. Il le reçut maintes fois à Chazay où Bayard participa à de nombreux tournois. Ayant acheté de nouvelles terres aux bas des Perrières, il leur donna le nom de Bayardes, devenues aujourd'hui par altération les Bageardes.

LE DÉCLIN


Théodore du Terrail mourut en 1505.
Nous l'avons dit, les moines, plus occupés de mondanités que de respect des règles monastiques, avaient perdu toute considération. Le Roi Louis XII profita de l'occasion pour interdire aux moines de se réunir pour procéder à l'élection d'un nouvel abbé.
Le fisc royal perçut les revenus de la baronnie jusqu'en 1507 et nomma, à cette date, Philibert de Naturel, abbé d'Ainay.
Ce fut le premier abbé commendataire. Il termina l'aménagement du château. Mais ayant par la suite déplu au roi François 1er, celui-ci lui enleva le bénéfice de l'abbaye pour le donner à Louis 1er de Bourbon Vendôme, qui était déjà Cardinal du Luxembourg.
Le titre d'abbé, dés 10", fut décerné par le roi, soit par faveur, soit en récompense, aux représentants de nobles familles . Ceus ci n'eurent qu'un souci, celui de tirer le maximum de bénéfices de la manse abbatiale.
Le couvent devint une sorte d'hôtellerie royale où étaient données de brillantes fêtes. Les moines furent refoulés dans des cellules, voire des masures, et avaient à peine de quoi survivre. Leurs plaintes arrivèrent jusqu'au roi qui sécularisa l'abbaye. Les moines furent alors regroupés en chapitre de chanoines. Le pape approuva la sécularisation
en 1684.
Depuis cette époque, jusqu'à la révolution, les abbés séculiers affermèrent les biens de la baronnie à des bourgeois, allant même jusqu'à aliéner certains domaines pour augmenter leur bénéfice.
Les années passèrent, faites d'abondance relative, de famine et de pillages. Chazay, abandonné par ses abbés devenus surtout des courtisans du roi et inconnus de leurs sujets, perdit tout son prestige.
Les impôts de plus en plus lourds, la misère permanente, l'insécurité préparaient les esprits à souscrire aux principes républicains.
La révolution semble avoir été bien accueillie. Rien ne donne à penser qu'il y eut une opposition. Aucune dénonciation, aucune exécution n'ont été signalées. Les nobles et prêtres réfractaires ne paraissent pas avoir été inquiétés. Par contre, les Comités constitués un peu partout se livrèrent à des dégradations sur les bâtiments seigneuriaux ;
les tours furent rasées au niveau des toits, les écussons écrasés, les archives détruites, les châteaux pillés.
En 1791, les biens des abbés furent vendus comme biens nationaux, la nouvelle commune ne se réservant que la nef basse de l'église Saint-Pierre, le beffroi et le logement du guetteur (cellier et musée).


LE RENOUVEAU


Pendant le deuxième quart de notre siècle, Chazay a connu les joies et les vicissitudes des villages de France.
Le phénomène général d'exode rural s'est trouvé accéléré dans notre village viticole, notamment par l'apparition de la charrue vigneronne tractée par des chevaux ; c'est ainsi que la population est tombée de 930 habitants en 1914 à 580 habitants en 1939.
On aimerait oublier les cinq années de la dernière guerre. Chazay a connu l'occupation, chose qui ne lui était pas arrivée depuis des siècles.
La paix revenue, chacun reprit le travail ; terres, vignes et vergers furent remis en état et rapidement l'agriculture connut une relative prospérité.
C'est au cours des années 1950 que Chazay a amorcé le virage qui devait l'amener à la situation que nous connaissons aujourd'hui.
En 1953, treize pionniers s'installèrent à la Baty. Vingt maisons devaient suivre en 1954 et dès lors, c'est une vingtaine de nouvelles constructions qui devaient voir le jour en moyenne chaque année, sur notre commune.
Si le passé et la situation de Chazay en faisaient tout naturellement un petit centre, attirant vers son marché la population des villages environnants, l'essor de notre commune n'était toutefois pas tracé de manière inéluctable. Beaucoup d'efforts intelligents ont été nécessaires pour assurer à Chazay la croissance harmonieuse dont nous pouvons nous féliciter .
Le Chazay actuel, c'est autour de vieilles pierres qui doivent rester sacrées au coeur de tous les Chazéens, de souche ou nouvellement implantés, un gros bourg à vocation commerçante, ceinturé de maisons individuelles coquettes où il fait bon vivre.
L'équilibre du village est assuré par des entreprises agricoles qui ont su parfaitement s'adapter et compenser la perte de terrains due à la construction, par une exploitation plus intensive et plus rationnelle des sols, et par de petites industries créatrices d'emplois pour la main-d'oeuvre locale.
Le souci de ceux qui ont la responsabilité de ce village qu'ils voudrait exemplaire, est d'assurer une croissance harmonieuse et équilibrée, pour que Chazay demeure ce coin de France où, depuis des siècles,
la vie est aussi douce que possible à ses citoyens.